L'innovation, ou comment réinventer l'horticulture
Journées techniques, bulletin de veille, livre blanc, expérimentation... : l'innovation est à l'honneur cette année. Comme une incitation pressante à moderniser notre filière horticole, de peur qu'elle ne reste en marge d'une société en pleine évolution.
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L'innovation ? Pour un horticulteur qui a « la tête dans le guidon », le concept peut sembler lointain, ou étranger à la production, son « vrai métier ». Étranger, vraiment ? Les concours d'innovation des salons professionnels montrent bien que les entreprises horticoles sont capables d'innover. De la graine à la plante finie, de la culture à la mise en place du végétal, en passant par la mise en vente, tous les acteurs sont concernés, y compris le paysage pour lequel l'interprofession Val'hor et l'Unep (les entreprises du paysage) ont lancé un prix de l'innovation en juin dernier. Mais « innover pour innover » ne sert pas à grand-chose. Les consommateurs tomberont peut-être sous le charme d'une nouvelle variété de pensée à la teinte particulière ou d'un fusain au feuillage original. Ou pas. Pour le savoir, il aurait fallu s'interroger sur leurs besoins, leurs goûts. La démarche n'est plus la même : il ne s'agit plus de proposer un nouveau produit en espérant qu'il plaira ou en le valorisant à grand renfort de promotion pour créer le besoin. Il s'agit de se poser la question : que veulent mes clients ? Comme le signalait Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint à l'Inra, lors des journées techniques de l'Astredhor et de l'Itepmai consacrées à ce thème, en janvier dernier : « L'innovation est une invention qui a rencontré son marché. »
L'innovation au coeur de la filière
Dans sa résolution du 11 mars 2014 sur « l'avenir du secteur horticole en Europe : stratégies pour la croissance », le Parlement européen est d'avis « que le secteur de la floriculture et des plantes d'ornement doit être autorisé à faire un meilleur usage des programmes de l'Union en faveur de la recherche, du développement technologique et de l'innovation ». Il demande à la Commission « d'inclure les 'cultures protégées' dans les propositions d'Horizon 2020 afin de stimuler l'innovation dans les domaines, par exemple, de la protection durable des cultures, d'une utilisation durable de l'eau et des éléments nutritifs, de l'efficacité énergétique, des systèmes avancés de culture et de production et du transport durable. » Comme le développe Marie-Françoise Petitjean (voir en page 16), conseillère en stratégie et développement d'entreprise, membre d'Hortea, les enjeux sont techniques, mais aussi sociétaux, réglementaires et économiques. Il s'agit de répondre aux contraintes croissantes en termes de conditions de travail et de respect de l'environnement, et de s'adapter à une société - et donc des modes de consommation - en pleine évolution. Les études de prospective permettent aux professionnels d'anticiper ces changements. FranceAgriMer en a achevé une en mars pour la filière horticole. Depuis le printemps 2012, professionnels, permanents des structures professionnelles, chercheurs et experts ont travaillé à l'élaboration de scénarios pour l'avenir de l'horticulture française. Ces scénarios seront dévoilés en septembre. Avec ses journées techniques 2014 axées sur ce thème, l'Astredhor fait de l'innovation un sujet central. En partenariat avec Val'hor, elle anime des dossiers techniques et prend en charge des expérimentations à même de moderniser la filière : économies d'énergie, Leds, végétaux tendances, phytorestauration...
Plusieurs pistes de réflexion
L'innovation peut être un produit, un service, un process, commerciale ou organisationnelle. L'institut technique horticole a lancé cet été un bulletin de veille sur les nouveaux marchés pour l'horticulture, « Innovations Infos ». L'objectif est de donner des éléments de réflexion aux producteurs sur de nouvelles fonctions et de nouveaux usages pour le végétal d'ornement, en vue de les aider à trouver des compléments de revenus et à valoriser les surfaces en dehors des périodes de cultures habituelles. Dans ce même but, le CDHR Centre-Val-de-Loire a réalisé en 2012 une étude bibliographique sur « les métiers de demain en horticulture ornementale » (Gouron C., 2012). La première partie explique aux producteurs comment ils peuvent valoriser la plante et ses nouvelles utilisations : plantes tolérantes à la sécheresse, résistantes aux maladies et aux ravageurs, attractives pour la faune auxiliaire, plantes pour la phytoremédiation, pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques... La seconde propose des pistes pour valoriser la production dans le respect de l'environnement : démarches environnementales, optimisation des surfaces (production d'algues, panneaux photovoltaïques, séchage de boues d'épuration, surfaces de vente...). La station d'expérimentation a initié depuis trois ans un travail autour des nouveaux métiers et usages des plantes, et présentera ses premiers résultats lors de ses portes ouvertes, le 5 septembre, à Saint-Cyr-en-Val (45). Comme l'indique Dominique Douard, président de Val'hor : « L'innovation n'a de sens que si elle contribue à séduire de nouveaux clients. » Le 26 juin dernier, à l'occasion de la signature des conventions avec l'Astredhor, il a présenté les travaux issus des réflexions sur l'innovation, impliquant tous les acteurs de la filière de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. Ils déboucheront sur l'adoption d'un livre blanc de l'innovation.
Des outils et des conseils pour aider à innover
Le chef d'entreprise peut effectuer sa propre veille (presse, Internet, concours d'innovation, carnet des tendances OTJ, Espace inspiration du Salon du végétal...) et s'appuyer sur les travaux engagés par l'Astredhor et Val'hor. Il peut aussi se tourner vers des professionnels extérieurs : Institut des sens et des couleurs au jardin, cabinet des tendances Chlorosphère, conseillers du réseau Hortea... Le pôle de compétitivité Végépolys propose tout un panel de services pour accompagner les entreprises dans leurs projets de R&D (Recherche & Développement), de la formalisation à l'orientation vers des financements, en passant par la recherche de partenaires, l'aide au montage technique, juridique et financier. Le pôle s'est doté de trois axes prioritaires d'innovation : la création variétale ; la contribution du végétal à la santé, au bien-être et au cadre de vie ; la protection des végétaux et systèmes de culture. Différents soutiens financiers existent : le FUI (Fonds unique interministériel) dans le cadre des appels à projets de R&D ; BPIFrance (banque publique de l'investissement) qui propose des aides directes à travers sa Direction de l'innovation et ses directions régionales ; l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) à travers ses appels à projets dans le domaine des écotechnologies... Le crédit d'impôt recherche (CIR) permet d'obtenir un financement partiel des travaux de R&D. Quant au crédit d'impôt innovation, il permet, en complément du CIR, d'obtenir un remboursement à hauteur de 20 % des dépenses engagées en aval des travaux de R&D et relatives à la conception de prototypes ou installations pilotes d'un nouveau produit... Les régions apportent leur contribution. Par exemple, le conseil régional du Centre, en partenariat avec BPIFrance, a lancé en juin un appel à projets Innovation pour les TPE/PME régionales (dépôt des fiches d'intention au plus tard le 20 septembre). Le conseil régional des Pays de la Loire, Végépolys et BPI France, lancent un nouvel appel à projets innovants collaboratifs « Végétal & PME » du 15 octobre au 30 novembre.
De la complexité à la simplicité
L'innovation peut être technologique, en lien notamment avec les progrès de l'électronique (microcapteurs, micropuces, GPS, nanotechnologies...) et de la robotique. Les limites sont celles de notre imagination... et du prix. Elle peut être initiée au sein d'une station d'expérimentation : le transfert en entreprise s'avère alors parfois compliqué. Ce peut être simplement une idée, dont les outils modernes déjà développés facilitent la mise en pratique : comme l'idée de permettre aux habitants de proposer un lieu à végétaliser près de chez eux grâce à une application (opération « Du vert près de chez moi » lancée le 15 juillet à Paris et application « Dans ma rue »), ou encore de recenser les arbres en milieu urbain (Montréal). L'innovation, c'est enfin parfois l'audace de revenir en arrière en s'appuyant sur les avancées du présent : semis direct, agroforesterie, paillage...
Valérie Vidril
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